Le bois, une richesse locale à ne pas laisser partir à l'état brut !

Publié le 9 août 2018
Rédigé par 
roald.wyckmans

[image issue de l’Office Économique Wallon du Bois]

C’est un des sujets préoccupant depuis quelques années: les bois de nos forêts, gaumaise, ardennaise et wallonnes sont exportés à l’état de grumes, des troncs découpés à la taille des conteneurs maritimes, sans transformation préalable et donc sans prise de valeur. Ce sont les fameux «bois chinois».

Le sujet s’est invité au Conseil communal de ce 7 août par l’interpellation des Conseillers Écolo, Annie et Christophe, à l’occasion d’un point sur les conditions des ventes de bois 2019 de Virton.

Une exigence refusée par la majorité

Leur exigence, refusée par la majorité mais soutenue par le groupe PS: que la commune contribue à la filière bois et ses emplois en réservant une partie de ses ventes aux entreprises locales et régionales de transformation, leur permettant ainsi de s’approvisionner en matière première.

La question est la suivante: assume-t-on, au prétexte que les prix sont supérieurs, à laisser partir nos bois se faire façonner à l’autre bout du monde avant de racheter au prix fort des produits finis issus… de nos propres bois?

Pour un particulier, le dilemme est le même que celui de se réjouir de vendre sa maison deux fois son prix d’achat après 10 ans mais d’avoir mal aux tripes en apprenant que ses enfants doivent changer de région pour pouvoir se loger à un prix correspondant à leur budget… Vendre la maison moins cher à ses enfants eut été, au final, un meilleur choix, non? Les pommes ne tombent pas toujours près de l’arbre et c’est souvent par contrainte économique, pas par choix.

De la part de l’autorité publique, la Commune ou la Région, il n’est pas concevable de fermer les yeux sur la dynamique économique générale d’une vente de bois et faire fi des conséquences sur la filière bois dans son ensemble.

Une ressource naturelle à choyer

Le bois, c’est une de nos ressources, richesses naturelles, avec l’eau et la pierre. Le bois vendu aujourd’hui s’est enraciné il y a un siècle voire plus. Nous profitons du travail et de la patience de plusieurs générations. Ce que nous plantons aujourd’hui profitera, si nous faisons des choix d’essences judicieux, à une échéance de trois à cinq générations. Du temps, beaucoup de temps… C’est donc une énorme responsabilité que nous avons, collectivement, à valoriser au mieux cette matière première renouvelable.

Valoriser ce n’est pas que vendre sur pied

Valoriser? Oui et cela dépasse de loin le seul moment de la vente publique. L’autorité publique, la Commune dans le cas qui nous occupe, DOIT se poser la question du devenir de son précieux bois et DOIT se donner les moyens d’influencer ce devenir s’il apparaît qu’il y a un risque de n’avoir aucune retombée sur la région. Quitte à risquer de renoncer à des prix supérieurs immédiats? Oui car au final, à plus long terme, c’est le choix gagnant pour la collectivité. Mais ce n’est même pas une fatalité (voir ici l’interview de la Bourgmestre de Wellin).

Veut-on voir disparaître, du fait de leur manque d’approvisionnement dû à des marchés inaccessibles pour eux, nos scieries locales, menuiseries, ébénisteries, fabriques de meubles et de parquet, avec les emplois directs et indirects ainsi que les résidents qui les accompagnent? Dit comme ça, tout le monde répondra non.

Et pourtant, le refus de la majorité de voir protégée une partie de la production au profit des entreprises locales contribue à la désertification des emplois du bois et à la paupérisation de notre région gaumaise. Ce n’est pas la création par la Région wallonne d’un parc d’exposition pour les grumes de très haute qualité (initiative que nous soutenons par ailleurs mais qui représente un pourcentage minime) qui peut inverser la tendance.

Mondialisation et libre-échange

Christophe Gavroy explique: «C’est un bel exemple de problème lié aux traités de libre échange. J’ai été lire des interventions de la députée Écolo Hélène Ryckmans (lire ici) et d’autres députés (lire ici), tous partis confondus. Sur les 5 dernières années ce sont toujours les mêmes questions et les mêmes réponses qui reviennent. Ces traités rendent difficile de fixer des règles au niveau wallon pour protéger nos entreprises locales».

Il ajoute: «Ne pourrions-nous pas nous inspirer du Cameroun, par exemple, qui a décidé il y a quelques années d’interdire en grande partie la vente de bois en grumes. Résultat aujourd’hui, seulement 5% de ses grumes partent vers la Chine. Le bois est transformé au Cameroun et crée une valeur ajoutée pour le pays. Il serait également intéressant de comparer et d’analyser le développement de la filière bois de la Wallonie avec d’autres régions d’Europe comme l’Autriche».

La mondialisation est bien là. Nous (les économies européennes) y avons historiquement largement contribué, à notre profit. Aujourd’hui, dans certains secteurs, comme celui du bois, nous la subissons. Réagissons! La Région wallonne le permet. Les communes peuvent vendre de gré à gré exclusivement aux scieries wallonnes dans une limite d’1/3 de leur approvisionnement total. Cela ferait 17.000 m3 et on arrive en réalité seulement à 4.000 m3. Il y a donc de la marge… Celles qui le font en sont d’ailleurs satisfaites (voir article en suivant ce lien) Pourquoi Virton refuse-t-elle d’utiliser dès à présent cette disposition?

Comment ça pourrait se passer?

Pour y arriver, explique Annie Goffin, «la commune peut diviser les offres en plus petits lots, ce qui est moins intéressant pour les industriels et permet à des petits exploitants locaux d’être acquéreurs. C’est ce que fait notamment Fauvillers, commune du Bourgmestre écologiste Nicolas Stilmant dans une majorité où tous les partis se retrouvent… Pour les ventes de gré à gré, cela concerne le nettoyage ou les petites éclaircies, pour des montants inférieurs à 8.500€.»

Annie poursuit : «Un exploitant de la région m’a dit sa grosse difficulté de s’approvisionner en bois. Les Chinois possèdent des traders qui sont très bien rémunérés (10 à 20% du montant des achats). Cette scierie utilise principalement le hêtre. Il faudrait que les exploitants puissent fournir uniquement l’essence désirée, au lieu de vendre l’entièreté du lot (essences mélangées). Il me dit que les ventes de gré à gré ont un peu augmenté depuis 2, 3 ans.»

Alors la réponse de l’échevin de l’environnement déclarant que le collège se penchait sur ce problème nous laisse pantois! Et nous donne peu d’espoir lorsque la majorité déclare « Comment ne pas vendre aux chinois et refuser d’avoir plus d’argent pour la commune?».

Changer les choses? Oui, dès que possible. Comment? Une échéance importante approche mais ça vous le savez!

Extrait d’une délibération du Conseil municipal de Boujailles (Haut-Doubs)